Le produit a toujours joué un rôle fondamental dans le développement d’une entreprise. À l’ère numérique, son impact s’est accru avec un phénomène de « productisation », qui consiste à transformer ce que l’entreprise produit, vend et fait vivre en un effort reproductible, apte à générer un revenu récurrent (en s’associant au principe « as a service »), et qui peut potentiellement s’adresser à une audience bien plus large.
D’où l’importance croissante de la fonction marketing produit dans l’entreprise, et pas seulement pour les produits traditionnels ou de la tech, mais aussi pour les services qu’elle peut packager en interne ou auprès de ses clients et partenaires, ainsi que pour les data qu’elle est appelée à gérer et partager de manière de plus en plus industrielle.
Mais quelle est l’anatomie du responsable marketing produit, dont le rôle aux multiples facettes est de plus en plus recherché par les acteurs de la tech et du numérique ? À l’heure ou la demande dépasse l’offre, comment trouver le mouton à cinq pattes ? Sans doute faut-il commencer par comprendre de quoi ces cinq pattes sont faites.
Un conteur d’histoires authentiques
Le storytelling, officiellement traduit par mise en récit en français, a gagné ses lettres de noblesse dans le marketing dans les années 1990. Il aspire à augmenter l’argumentation classique basée sur la logique (partant d’un problème à sa solution), à une démarche plus émotionnelle, qui consiste à capter l’attention d’une audience par une histoire, puis stimuler son désir de changement, pour enfin emporter la conviction par l’utilisation d’arguments raisonnés.
Mais, raconter des histoires, ce n’est pas raconter des salades. Si le storytelling utilise les leviers de l’émotion pour captiver l’intérêt et augmenter l’engagement, il part à la dérive faute de s’appuyer sur un socle d’authenticité et de faits. Afin de créer la trame de son histoire, le product marketer doit comprendre en profondeur en quoi le produit à promouvoir peut changer la vie de son consommateur, porté par une vision différenciante de l’entreprise qui le produit. Le message doit aussi s’appuyer sur une histoire crédible et personnalisée, ce qui exige une connaissance profonde de l’interlocuteur ciblé et des éléments déclencheurs ou perturbateurs favorables au changement.
Une fois ce socle constitué, le product marketer doit créer le message définir le positionnement, poser les bases de l’histoire et créer les contenus associés. Mais son rôle ne s’arrête pas là car il ne doit pas être le seul à savoir « raconter l’histoire ». Il faut constituer le dispositif nécessaire pour permettre à une audience large, dans l’entreprise (en particulier les équipes qui sont en relation avec les clients et prospects) ou au-delà (les partenaires, les influenceurs, voire les clients eux-mêmes) de s’approprier et de devenir eux-mêmes les conteurs de l’histoire. Pour y parvenir, le product marketer pourra s’appuyer pour y parvenir sur des méthodologies et outils telle que la chorégraphie de challenger sales.
Un chef d’orchestre
Le marketing produit est une fonction transverse, à la croisée du produit, du marketing, du commerce et des équipes de service et customer success. Même s’il doit jouer un rôle de musicien pour créer les ressources nécessaires à la commercialisation d’un produit, il est aussi le chef d’orchestre pour des projets qui nécessitent de mobiliser des activités et compétences diverses. Le lancement d’un nouveau produit est l’exemple typique qui nécessite ce savoir-faire car il s’agit d’un projet d’entreprise où tous les intervenants doivent travailler en harmonie, dans le bon tempo.
Mobiliser une équipe pluridisciplinaire pour un lancement de produit, souvent pendant plusieurs semaines, et anticiper les aléas est une compétence indispensable du responsable marketing produit, quelle que soit la taille de l’entreprise. Ce rôle de coordination se retrouve également dans d’autres activités marketing, comme lorsqu’il s’agit de créer et supporter des campagnes intégrées que les équipes de field et de digital marketing pourront décliner dans leurs territoires ou zone d’activité; ou encore lorsqu’il faut créer le contenu pour un événement de grande envergure nécessitant l’intervention de multiples profils dans l’entreprise, mais aussi des intervenants externes comme des clients, des analystes, ou des partenaires.
Un geek, au plus près du produit et de ses usages
Le product marketer doit être un geek, passionné par « ses » produit, même s’il ne le fait pas apparaître à l’extérieur, en restant alors concentré sur les usages, les marchés, les clients/prospects et comment les atteindre. Mais, la face cachée de l’iceberg, c’est de maîtriser ses produits en profondeur. Certains product marketer étaient des experts du sujet associés à leur produit avant même d’apprendre le marketing. Pour les autres, il est indispensable de consacrer du temps pour se former au produit, apprendre à l’utiliser et comprendre comment les clients se l’approprient, tout en restant lucide sur ses forces, faiblesses et potentielles évolutions.
C’est une dimension essentielle, car il est tentant de considérer que la connaissance produit, c’est l’affaire des techniciens tandis que le product marketer a tant d’autres choses à faire de son côté. Mais, sans connaissance profonde du produit, comment peut-on en comprendre puis en promouvoir les usages et bénéfices ? Plus grave encore, se limiter à une connaissance superficielle nuit profondément au développement d’une relation de confiance avec le product management et toute l’équipe produit.
Or, cette collaboration est la clé du succès. Ce qui différencie les rôles du marketing produit et du product management est souvent mal compris de l’extérieur, tandis que le manque l’alignement entre ces deux protagonistes peut rapidement devenir une source de conflits et de dysfonctionnement.
À noter qu’au-delà du côté geek, une qualité essentielle est la curiosité et la soif d’apprendre, qui ne doit pas se limiter au seul produit. Il doit aussi exercer sa curiosité et son écoute active à l’égard de tout son environnement, dont bien sûr ses clients, mais aussi ses marchés, ou ses concurrents.
Un détective qui explore les marchés, la concurrence et l’engagement client
Selon la Product Marketing Alliance, l’analyse du marché et des clients fait partie des 5 principales responsabilités du product marketer et concerne près de trois-quarts d’entre-deux. Même si son impact est par essence moins visible et spectaculaire que d’autres responsabilités comme celles liées au lancement de produit ou au positionnement/messaging, elle est critique et étoffe la dimension stratégique de la fonction.
Cette activité a par ailleurs pris plus d’ampleur avec l’avènement du numérique et des approches data-driven qui permettent de systématiser la capture d’informations externes et d’adapter les actions marketing avec précision en fonction du retour du marché, autorisant un modèle d’apprentissage par tâtonnement. Elle a été traditionnellement utilisée principalement de manière ad hoc, en mode réactif, à certains moments du cycle d’un go to market. Son utilisation est devenue désormais plus systématique, une fondation d’un marketing produit à l’ère numérique qui s’est professionnalisé avec l’apparition d’outils dédiés à la collecte et l’analyse d’information collectées directement à la source plutôt qu’au travers de déclarations d’intention.
Enrichir la connaissance des marchés, de la concurrence, des usages du produit ou des comportements des clients et utilisateurs intéresse la quasi-totalité des métiers de l’entreprise et nécessite aussi leur implication lorsqu’ils sont à la source des données. Le product marketer doit donc jouer un rôle de catalyseur, facilitant la collecte et l’intégration des informations qualitatives et quantitatives, mais aussi leur partage et leur analyse.
Un planificateur qui donne la cadence du go to market produit
À l’intersection du marketing et du produit, se trouve le go to market. Il s’agit d’orienter la stratégie de mise sur le marché et de collaborer avec le marketing et les ventes pour la mettre en application. Après avoir défini le pourquoi et le pourquoi maintenant, puis après l’avoir décomposé en sous-thèmes, le rôle du marketing produit, en forte collaboration avec les équipes de marketing et de communication, est d’organiser et d’opérer le quoi et le comment.
C’est cette démarche de planification qui différentiera un marketing produit très tactique, principalement dédié au support des actions marketing, d’un marketing produit bien plus ambitieux et impactant au service du développement du business autour du produit et de ses marchés. C’est pourquoi, dans les entreprises qui sont dans leur phase de lancement, il est fréquent que le responsable marketing produit soit le représentant du marketing. Dans les phases plus matures, la responsabilité du go-to-market est généralement partagée avec le marketing, les régions, ou même parfois attribuée à des équipes dédiées au développement business et à la croissance. Mais, quelle que soit l’organisation, le marketing produit doit conserver un rôle clé en amont des plans de go-to-market et tout au long de leur exécution. Arrivé à un certain niveau de maturité, il est fréquent que le marketing produit se spécialise sur les marchés régionaux, verticaux, sur certains segments de clientèle ou modes de distribution, qui nécessiteront alors potentiellement des compétences spécifiques.
Êtes-vous prêt à impulser ou transformer votre marketing produit ?
Que vous soyez à la recherche d’un profil talentueux, ou que vous considériez le marketing produit comme une direction pour votre carrière, il sera pour vous fondamental d’évaluer les compétences d’un responsable produit. Ils sont relativement peu nombreux sur le marché, surtout en Europe, et par conséquent difficiles à trouver : la Product Marketing Alliance, qui elle-même rassemble plus de 10000 membres, en estime plus de 100 000 dans le monde. Mais, le product marketing constitue une trajectoire d’évolution interne, que ce soit pour des experts issus des équipes technico-commerciales, du marketing, voire, quoique plus rarement, des équipes produit.
Les « cinq pattes » telles que décrites dans ce blog sont toutes essentielles au rôle, même si leur cycle de développement n’est pas nécessairement synchronisé. Elles combinent des dimensions très opérationnelles : par exemple, le côté geek, au-delà de la curiosité, peut exiger de très solides compétences techniques selon la catégorie de produit considéré, tandis que le rôle conteur d’histoire a pour prérequis une aisance naturelle à l’écrit comme à l’oral. Parce qu’il exerce une fonction transverse dont les contours évoluent en permanence, le responsable marketing doit être animé par le travail en équipe, tant en situation de leader que d’exécutant selon qu’il doit agir comme chef d’orchestre ou comme musicien. Il doit maîtriser l’écoute active, mais aussi la gestion des conflits lorsque le « qui fait quoi » n’est pas clairement établi. Savoir passer de la stratégie à l’exécution est un atout essentiel, et aussi un prérequis pour éviter que la fonction marketing produit ne soit restreinte à une fonction de support, ou a contrario qu’elle se détourne de ses obligations opérationnelles.